vendredi 7 mars 2014

Infinitif

Un an.

Un an a passé depuis que j'ai découvert Lyon. C'est difficile à réaliser aujourd'hui, tant je me sens accoutumé à la vie d'ici. Encore plus difficile de penser qu'il y a un an, j'étais en bas, tout en bas de la côte.

En bas comme on peut l'être quand on ne sait pas où on va. Le 4 février au soir, je m'endormis à Paris pour la dernière fois : je vivais en colocation à la Porte d'Italie. Chez une dame polonaise du double de mon âge. Ca vous paraît bizarre ? A moi aussi. Mais à l'époque, c'est tout ce que j'avais trouvé, j'y reviendrai dans mon traité stroboscopique qui s'appelle 21h34.

Le lendemain donc, j'emménageais chez mon frère. Vivre à deux dans un studio de 25 m² pour une durée indéterminée. J'emmenais ma vie dans des sacs qui avaient déjà connu bien des lieux, et quelque part dans la poche d'un de ceux-là, un aller-retour pour Lyon. J'avais décidé de changer de vie, changer d'endroit, prendre une putain de gomme et tout effacer d'un coup. Mais je rassure certains et certaines, il y a des noms qui sont écrits au feutre indélébile.

Et à peine un an a passé, et je suis devant mon PC, sur FaceBook, à raconter des histoires pour des gens dont je ne soupçonnais même pas l'existence il y a quelques semaines pour la plupart. Et qu'est-ce que j'ai connu en douze mois ?

Les quatre jours passés pour trouver un appartement. L'énorme puissance ressentie en descendant du train, dans ce lieu magique car inconnu, avec un métro jamais vu, des rues jamais vues, ... un sentiment rarement ressenti qui me coupait le souffle.

Les conversations échangées dans l'auberge de jeunesse du vieux Lyon ; première nuit à Lyon de surcroît. Le téléphone en rade de batterie, les appels passés depuis le couloir, assis sur une chaise volée au préalable dans la chambre. Appeler qui ? Les collègues du KFC. Ouais, je suis bien arrivé, ouais. Tout se passe bien, ouais. Ouais, ouais... Je sais surtout pas ce que je fous là, bande d'andouilles.

La sensation étrange d'avoir pris des habitudes dans un lieu encore à peine connu : les délires de prendre en une journée tous les transports publics possibles et imaginables, vouloir tout sentir, vouloir rester éveillé pendant trois jours...

Mes réflexions dans Lyon qui s'intensifiaient ! Pour la première fois, j'avais l'impression de gérer quelque chose : un bout de papier, des numéros, un cyber-café, un stylo ! J'allais d'appartement en appartement, combien en ai-je visité ? Cinq, quinze, vingt ? Aucune idée. L'envie de signer un bail dans la foulée en trois jours ! J'avais rendez-vous dans une agence cinq heures avant le départ de mon train pour Paris.

Le retour à Creil, chez le frangin ataraxique, avec la sensation d'avoir accompli quelque chose. Les journées défilant, toutes aussi anonymes les unes que les autres, j'ai encore du mal à penser que j'ai passé un mois là-bas. Mais j'avais besoin de ce réconfort de choses connues, routinières, familières. Même les engueulades de jeunesse ! La peur, voyant la possibilité de louer l'appartement s'éloigner pour raisons de discrimination financière. Le soulagement quand une certaine Natacha passait en deux minutes d'une inconnue dont je ne me rappelais pas avoir visité l'appartement, à une future colocataire de trois mois dans le quartier de la Part-Dieu. La vanne de moi à moi : "ben dieux, t'aimes ça les colocs !"

L'arrivée à Lyon, 5 mars, chargé comme une mule, sous la neige. Un symbole, pensé-je. De quoi au juste ? La journée-marathon passée à acheter un matelas et une chaise de fortune, que je détaillerai également.

Quinze jours à vivre comme un clochard dans un appartement du 6ème arrondissement, faut le faire quand même ! A chercher du travail, tout sauf les fast-foods ! Tout sauf les fast-foods... Besoin d'argent rapide. Cinq jours, dix jours, quatorze... CV à Quick. Quinze jours. Embauche. C'est reparti pour un tour, je me fais asocial et éxécrable à souhait et me fous tout le monde à dos.

La rencontre avec Siham. Jeune fille extraordinaire : empathique, généreuse, mignonne, intéressante, cultivée... La liste des qualités de cette fille qui détruit le Billy apathique. Transformation en clown. Les gens : des managers,qui me pompent l'air, Silvestre, Bougaci. Des équipiers qui me gonflent, Cudrax, Pelletier. Des mecs intéressants. David, Yvan-Pierre, Cédric, Mathieu les deux, Romain les deux, d'autres que le temps a effacés et efface encore. Des nanas intéressantes : Mag, Lucile, Maude, Emeline, Aurélie, des Marine, des Caroline tout plein tout plein, d'autres que le temps a effacées et efface encore.

Des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, une crise de nerfs, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, une manageuse qui devient "l'agent spécial Regnat", des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, tiens ! Un nouveau pilier, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers,

Sarah. Un été de tendresse, de passion, comme tous les adolescents boutonneux en rêvent. L'amour me transforme et me donne des ailes. Envie d'acheter, des choses inutiles mais qui améliorent le quotidien du futiliste. Le compte en banque plonge, je travaille plus pour gagner plus.

La rupture avec Sarah, aussi rapide que de bouffer un Quick'N'Toast. La prise de conscience que le putain de calendrier affiche septembre, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, de la musique, encore et encore, des vagues d'équipiers qui n'en finissent pas, avec une dans le tas qui me plait énormément...

Des achats qui blindent mon appartement, des recherches d'emploi infructueuses. Une journée de fiasco notoire dans la boulangerie Pain Benoît. Un entretien initiateur d'illusions chez Hästens. Moi, vendre des matelas qui coûtent 10 000 boules ? Tu parles, Charles ! Continue à produire des Giant, et sue bien, surtout, ça élimine les toxines.

Des burgers, des burgers, des burgers, des cris poussés dans les chambres froides pour décompresser, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers,au secours, je n'en peux plus de ces maniaques de l'autorité !! des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, Marie, tu fais quoi samedi apres-midi ? On se voit à Bellecour! des burgers, des burgers, des burgers, des burgers, la fin de l'année passée comme un éclair qui sembla pourtant durer une éternité, des burgers, des burgers, des burgers,

Des gens que je veux revoir. Encore. Plus tard. Ils sont partis, d'autres sont toujours là à trimer.

Et ceux qui sont des réseaux à eux seuls, des concentrés de certitudes? Ceux qui seront là quand je relirai cet article en le prenant pour une erreur de jeunesse. Des gens que j'aime, qui me font pleurer quand je les serre dans mes bras, dont la seule absence, ne serait-ce qu'une semaine, m'empêche de dormir. Une solitude qui n'en finit pas non plus, mais qui semble s'inscruster durablement et apparaître comme un compromis, l'envie que ça change ! L'envie que ça dure ! La liesse, encore ! Non, pas la liesse, le désespoir...

Que me réserve l'avenir ?


Des burgers ?



ALLEZ !!!

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